Jean-Marie Dedecker voit dans les médiateurs "trois crocodiles, trois anciens combattants".
Les partis politiques nationalistes flamands ont réagi vendredi de manière très critique à la désignation de trois médiateurs par le Palais pour définir les conditions d'un dialogue institutionnel.Jean-Marie Dedecker, figure de proue de la LDD, voit dans MM. De Donnéa, Langendries et Lambertz "trois crocodiles, trois anciens combattants" dont la désignation est "risible". "Peut-être devrions-nous demander à Kabila de jouer les médiateurs", ironise-t-il. M. Dedecker ne voit aucune chance de réussite dans la mission confiée au trio de médiateurs. "C'est tout simplement un report d'exécution", dit-il, jugeant particulièrement "folle" la désignation du ministre-président germanophone Karl-Heinz Lambertz. "C'est comme si on appelait le bourgmestre d'Ostende. Ce serait hilarant si ce n'était si grave", ajoute-t-il.Le patron de la LDD juge inacceptable que le premier ministre Yves Leterme et le cartel CD&V/N-VA soient d'accord avec ce scénario. "Ils se sont fait rouler par les francophones", résume-t-il. Pour lui, le 31 juillet ne constitue pas une nouvelle échéance, au contraire du 7 juin 2009, date des élections régionales. Marionnette
Aux yeux des Vlaams Progressieven (ex-Spirit), la désignation par le roi de trois médiateurs permet de cacher les oppositions entre le CD&V et la N-VA ainsi que celles au sein même du CD&V, ce qui fait du roi une marionnette du premier ministre Yves Leterme. La désignation des trois médiateurs participe "une nouvelle fois de cet art de la dissimulation" qui profite aussi aux francophones, affirment les nationalistes de Vl.Pro dans un communiqué."Leterme et le gouvernement peuvent poursuivre sur les dossiers socio-économiques, tandis que le communautaire est une nouvelle fois évacué", estime la présidente de Vl.Pro, Bettina Geysen. Pour ce petit parti républicain associé au sp.a, "dans un pays normal, le gouvernement doit mettre le roi à l'abri du vent. Mais depuis l'entrée en scène de Leterme, c'est trop souvent le contraire qui se passe: le roi doit mettre le premier ministre à l'abri".Situation inacceptablePour les Vl.Pro, Leterme utilise donc le roi comme une marionnette, "tout comme en novembre 2007". De son côté, le Vlaams Belang juge lui aussi que le roi, en nommant trois médiateurs, joue la carte des francophones. Selon le parti d'extrême-droite, le roi a créé sur le plan constitutionnel une situation inacceptable dans laquelle le gouvernement ne doit plus répondre de ses actes pendant une durée indéterminée. Le VB est particulièrement critique envers le fait qu'à ses yeux, la réforme de l'Etat menace de s'ensabler désormais dans d'interminables palabres. Nouvelles élections pour le sp.aLes socialistes flamands réagissent eux aussi négativement à l'initiative du roi de nommer trois médiateurs. "Ces vétérans ne résoudront pas le problème", affirme le sp.a. "C'est un faux-fuyant qui sert surtout à donner la possibilité à ce premier ministre invisible de recoller les morceaux", déclare la porte-parole du parti. Le sp.a ne croit pas que la solution viendra du trio Langendries-de Donnea-Lambertz. C'est à la génération actuelle d'hommes politiques, aux décideurs actuels de résoudre le problème", indique le parti. Selon les socialistes flamands, il est préférable d'entamer un vrai dialogue entre les trois ministres-présidents. "Au lieu de mettre sur pied 27 groupes de travail, on ferait mieux d'entamer rapidement un dialogue entre les Régions. Nous sommes en tant que parti également prêts à y travailler de manière constructive. L'impasse a assez duré", poursuivent-ils. Si la crise devait persister, il ne resterait alors, pour le sp.a, qu'une seule solution: de nouvelles élections.
"Ils ne pouvaient plus se voir"
Les partis francophones voient d'un bon oeil l'arrivée des trois médiateurs. Ils estiment que leur plus grand mérite est de faire baisser la pression.
Le Roi a confié aux ministres François-Xavier de Donnea et Raymond Langendries et au ministre-Président Karl-Heinz Lambertz la mission d'examiner de quelle manière des garanties peuvent être offertes pour entamer d'une manière crédible un dialogue institutionnel." Chaque mot du communiqué envoyé par le palais royal jeudi soir a été soigneusement choisi. Au risque de rendre le message un peu sibyllin.
Dans les rangs francophones, la solution retenue ne provoque aucune joie particulière. Mais on y perçoit comme un certain soulagement. L'atmosphère devenait irrespirable manifestement. L'intervention des 3 médiateurs permet de faire baisser la pression. "On avait atteint un point où toute négociation devenait impossible, confie un mandataire du PS. Les gens sont épuisés. Ils ne se supportaient plus. Ils ne pouvaient plus se voir." Au CDH, on tient à peu près le même discours. "Il fallait soulever le couvercle du couscoussier, raconte un humaniste. Là, cela ne servait plus à rien." Au MR, on confirme. Interrogé par l'agence Belga, le président des libéraux Didier Reynders a répondu que la nomination des trois médiateurs répond à la volonté qu'il avait lui-même exprimée à plusieurs reprises : "calmer le jeu" et permettre au gouvernement de "continuer sa tâche pour mettre en oeuvre les décisions qu'il a prises pour conforter le pouvoir d'achat des citoyens".
Seul parti démocratique de l'opposition, Ecolo pense à peu près la même chose. "On avait besoin de faire baisser la pression, rapporte Isabelle Durant, la coprésidente des verts francophones. C'est nécessaire. Car le CD&V n'est pour le moment pas en ordre de marche. Il est le premier parti de Belgique, mais il n'est pas en capacité d'être à la manoeuvre. Il est trop divisé. La décision du Roi met ainsi Yves Leterme et les siens devant leurs responsabilités."
La forme et le fond
De quoi, au juste, les trois médiateurs sont-ils chargés ? Leur mission n'est pas claire. Elle devra être définie dans les jours à venir. Pour l'heure, chacun y va un peu de son interprétation. "Ils devront retisser les fils", commente-t-on à Ecolo. "Ils devront répondre aux questions de base : Qui ? Quoi ? Comment ? Où ?", dit-on au CDH. "Ils doivent au moins arriver à un accord sur la composition du groupe qui sera chargé de négocier la réforme de l'Etat, précise-t-on au PS. En principe, les trois médiateurs ne devront pas aborder le fond des dossiers. Juste la forme. Mais il est probable qu'en tentant de définir la forme, ils arriveront vite au fond des problèmes. Si la négociation se fait entre les Communautés ou entre les Régions, cela a des implications différentes sur le fond. C'est bien pour cela qu'il y a une divergence entre Flamands et francophones sur cette question." "Le message est clair, prolonge d'ailleurs Didier Reynders pour le MR. La nomination de François-Xavier de Donnea et de Karl-Heinz Lambertz indique que Bruxelles et la Communauté germanophone doivent être présents dans le dialogue institutionnel."
Si l'entrée en piste des trois médiateurs a le mérite de calmer un peu les esprits, nul ne sait si la manoeuvre permettra de conclure. "Ils ne décideront rien sans les présidents de parti, analyse un observateur. Or cela fait un an que les présidents de parti tentent sans y parvenir de trouver un accord institutionnel." Un responsable CDH ne cache pas son pessimisme. "Tant que la N-VA est dans le jeu, on n'y arrivera pas."
Isabelle Durant se veut en revanche un peu plus optimiste. "On peut arriver à quelque chose si tout le monde joue le jeu et soutient les médiateurs, dit-elle. Et Ecolo ne restera pas au balcon." En revanche, Ecolo n'avale pas la volonté du Premier ministre d'éviter le vote de confiance à la Chambre. "On ne peut pas se contenter d'un "coucou, nous revoilà". Cette démission, qui ne semble pas avoir été très concertée au sein du gouvernement a fait les Une de la presse internationale. Il faut un vote de confiance. Nous allons le demander. Nous ne l'obtiendrons sans doute pas ."
Avis de tempête pour le 31 juillet
Il fallait s'y attendre. La remise en selle du gouvernement Leterme par le roi Albert II et la désignation de trois émissaires institutionnels – MM. De Donnea, Langendries et Lambertz – n'a pas ramené la sérénité sur la scène politique. C'est dit : le 21 juillet se déroulera dans un climat particulier de crise.
Les 7 novembre, 20 mars, 15 juillet… Depuis treize mois, la Belgique tremble, d'ultimatum en ultimatum… De plus en plus rapprochés. À peine libéré de l'échéance du 15 juillet, Yves Leterme est coincé par un nouveau « deadline » : le 31 juillet. Pourtant, avec la mission confiée aux Donnea, Langendries et Lambertz, on croyait que les présidents de parti et le Roi, coauteurs de ce scénario, avaient acheté un peu de répit. Au moins de quoi permettre au gouvernement de fonctionner, puisque reconduit pleinement (et non pas sur les seuls dossiers socio-économiques) et partiellement libéré de la réforme de l'Etat. Et aux négociateurs de tous rangs de prendre quelques jours de repos.
Ubuesque aux yeux de beaucoup, la formule des trois médiateurs avait donc un mérite : sortir de la crise (la repousser ?), vraisemblablement jusqu'à la rentrée. Un doute, quand même : comment le cartel allait-il avaler ça, alors que, quelques heures auparavant, il refusait toute idée de report ? En fait, il ne l'accepte guère. La preuve par la présidente du CD&V, Marianne Thyssen, qui n'a pas hésité à donner une interprétation toute personnelle du communiqué du Palais. Pour elle, le gouvernement doit se montrer « un peu réservé » et se borner à assurer l'indispensable : « Il est important qu'il ne fasse pas tout ce qui est constitutionnellement dans ses pouvoirs ».
Une sorte d'affaires courantes qui ne disent pas leur nom… Fureur côté francophone : Didier Reynders, président du MR, n'a pas manqué de rappeler que, pour lui, le gouvernement peut fonctionner normalement. Réponse cinglante à Thyssen.
Un agenda pour la semaine prochaine
À la table du comité ministériel restreint, convoqué vendredi soir, la tension était palpable. Même si Yves Leterme et ses vice-Premiers ont réussi à s'accorder sur l'agenda de la semaine prochaine. Il y aura deux réunions du conseil des ministres, mardi et vendredi. « À l'ordre du jour de mardi, les points reportés du 18 juillet. Aucun n'a été supprimé. On peut donc partir du principe que le gouvernement fonctionne normalement », souligne-t-on dans un cabinet.
À la nuance près que, pour être adopté, un point doit l'être à l'unanimité. Et que pour ralentir, voire paralyser, l'action gouvernementale, il suffit donc d'une voix. Cette querelle politique sur le statut actuel du gouvernement irrite l'opposition. Ecolo entend interpeller dès mardi sur le sujet.
Le NV-A accroît la tension
Pendant ce temps, Bart De Wever accroît la tension. Le président de la N-VA réclame « des résultats » pour le 31 juillet. Un ultimatum ? « C'est le roi lui-même qui parle d'un ultimatum dans son communiqué. Qui suis-je pour contredire le Roi ? », feint-il, prenant prétexte du communiqué du Palais qui attend un rapport des médiateurs à la fin du mois. Bart De Wever exige aussi des garanties de réussite institutionnelle. Lesquelles ? « Dans un accord sur la procédure, la N-VA veut qu'on laisse ouverte la possibilité d'un vote au Parlement sur la scission de BHV » (comprenez : Nord contre Sud).
Pour ceux qui n'auraient pas compris, De Wever met les points sur les « i » : « C'est la dernière chance. Les francophones devront nous dire comment ils voient les choses. Soit nous marquerons notre accord, soit c'en sera fini. S'il n'y a pas d'accord, la majorité ne pourra continuer. » Et la N-VA « sera un parti d'opposition ». À la Région flamande aussi. Avec les conséquences que l'on imagine pour le cartel…
Revoici donc l'ultimatum, assorti d'une « évaluation » (on se croirait le soir du 14 juillet…) qui sera effectuée, Bart De Wever l'assure, « main dans la main par le CD&V et la N-VA ». Il ira jusqu'à dire que la réunion du groupe parlementaire CD&V/N-VA, vendredi après-midi, en présence d'Yves Leterme, a validé ce scénario de l'ultimatum.
Et ce ne sont pas les propos, à la VRT, de l'un des trois médiateurs, Karl-Heinz Lambertz, qui vont calmer le jeu. À peine nommé, le ministre-président germanophone juge en effet « très difficile d'obtenir une vraie réforme de l'Etat avant les élections régionales de 2009 »… Alors que le cartel refuse d'aller « nu » au scrutin. Pas très futé…
Il n'est pas le seul à avoir crispé au Nord. Didier Reynders aussi, en glissant : « Si le rapport du 31 juillet est définitif, la négociation pourra commencer à la rentrée. Sinon, les médiateurs devront éventuellement poursuivre leur mission. » Le président du MR n'a pas l'intention de négocier en août : « Je serai disponible jusqu'au 31 juillet. » Ensuite, vacances… Revoilà donc Leterme sous forte pression. Au point que, s'il imaginait se rendre au Parlement, pour y lire une déclaration – le programme socio-économique pluriannuel (cf. page 6) n'a pas encore été présenté aux élus –, il a finalement décidé, en kern, d'y renoncer. Car sans déclaration, pas de vote de confiance. Or, le Premier ministre craint que tous les membres de sa majorité (cartel en tête) ne lui accordent pas cette confiance…
L'opposition, elle, est furieuse. Tant pis : mercredi, à la Chambre, Leterme se contentera de répondre aux interpellations.
Symbolique du climat actuel. Comme le résume un ténor : « En fait, c'est foutu… »