10 septembre 2008

Un Plan alcool sous influence

Le Conseil supérieur de promotion de la Santé a rendu un avis assassin, mais peu médiatisé, sur les mesures proposées par les huit ministres de la Santé du Royaume pour lutter contre la consommation abusive d’alcool.

Le Plan d’Action national Alcool 2008-2012 est « peu cohérent », « confus » et sous l’influence manifeste des lobbies… Le Conseil supérieur de promotion de la Santé a rendu un avis assassin, mais peu médiatisé, sur les mesures proposées par les huit ministres de la Santé du Royaume pour lutter contre la consommation abusive d’alcool.
Une étude réalisée sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé, dans 40 Etats occidentaux, pointe la Communauté française de Belgique au 12e rang des pays qui enregistrent les plus forts taux d’ivresse précoce… Concrètement, en Wallonie et à Bruxelles, 9 % des garçons et 4 % des filles âgés de 11 ans déclarent consommer de l’alcool au moins une fois par semaine : c’est deux fois plus qu’en Flandre, au Luxembourg ou aux Etats-Unis.
D’autres données, portant sur la proportion d’ados et de pré-ados (11-15 ans) qui se sont trouvés au moins deux fois en état d’ébriété, apparaissent moins inquiétantes, la Communauté française se situant sous la moyenne occidentale (notre infographie). Reste qu’à 11 ans, les jeunes Wallons et Bruxellois sont deux fois plus nombreux que les Luxembourgeois ou les Suisses, et quatre fois plus nombreux que les Espagnols et les Suédois, à s’être trouvés en état d’ivresse…
Le Plan d’Action national Alcool prévoit, pour rappel, d’interdire la vente d’alcool aux moins de 16 ans, quel que soit le commerce (actuellement, la vente de vin et de bière n’est interdite aux moins de 16 ans que dans le secteur Horeca)… Des experts avaient déjà pointé le risque d’effet incitatif de cette politique prohibitionniste. Le Conseil supérieur de promotion de la santé dénonce, lui aussi, les « propositions répressives » du Plan.
Les alcooliers épargnés
Pas « la moindre référence aux objectifs et stratégies de promotion de la santé, insiste le Conseil ; l’approche biomédicale, pasteurienne est seule mise en évidence : dépistage médical, information alarmiste… ».
Les experts francophones estiment que le Plan épargne les alcooliers… Leur lobbying, avance le Conseil, aurait convaincu les ministres de cibler « les personnes qui consomment de façon excessive », sans nuire aux intérêts du secteur. De fait, le Plan belge renonce à augmenter sérieusement le prix des boissons alcoolisées et à interdire la pub en faveur de l’alcool. Il se montre bien moins restrictif que le Code français de la santé, qui interdit carrément, lui, aux alcooliers de parrainer une manifestation sportive ou culturelle (impossible d’organiser une « Kronenbourg League », outre-Quiévrain).
« Le Plan fait preuve d’une grande naïveté en considérant qu’il suffit d’améliorer les connaissances du public quant au danger de l’alcool… Certaines propositions pourraient même s’avérer contre-productives », poursuit le Conseil.
Ses experts estiment que « le Plan est écrit de façon peu cohérente, confuse… Des lacunes énormes apparaissent tout au long de l’éventail de mesures proposées, sans lien avec la promotion de la santé et du bien-être, et sans prendre en compte le danger de certaines mesures en matière de préservation des droits individuels ».
Les huit ministres concernés, qui se sont accordés, le 17 juin, sur une série de mesures à prendre, dans le cadre de l’application du Plan, ont encore l’opportunité de tenir compte des critiques du Conseil supérieur de promotion de la santé… En tâchant de mettre en œuvre un Plan plus cohérent, moins confus.

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