14 février 2008

Antoine dézingue le MR

Didier Reynders, cœur de cible du vice-président CDH
Pour le ministre wallon, « une bombe à retardement bien plus dangereuse que le communautaire ».

Pour André Antoine, Didier Reynders doit ranger son ego au placard. L’hyperkinétique vice-président wallon sait évidemment de quoi il parle.
ENTRETIEN
Il n’est pas content, pas content du tout. André Antoine (CDH), vice-président du gouvernement wallon et membre du groupe « Octopus » chargé de définir la nouvelle architecture institutionnelle de la Belgique, tire à boulet rouge sur le MR. Qu’il accuse de tous les maux budgétaires. Avec en ligne de mire Didier Reynders, qu’il égratigne, et pas qu’un peu : « L’état des finances publiques est plus préoccupant que le dossier communautaire », n’hésite-t-il pas à dire. Chaud devant !
Mercredi prochain Rudy Demotte prononcera, devant le parlement wallon, son discours sur « l’état de la Région », que l’on imagine positif. Et pourtant, on ne vous sent pas serein…
Je ne suis pas serein parce que je ne voudrais pas que la fourmi wallonne soit menacée par la cigale fédérale. La DLU « bis » ; l’erreur de 800 millions de l’administration fiscale ; l’absence de recettes de près d’un milliard pour la seule année 2007 ou encore le caractère aléatoire de la vente des bâtiments publics, tout ça fait que le fédéral se trouve dans une situation financière extrêmement inquiétante. On a consommé des moyens budgétaires colossaux dont il conviendrait de faire l’évaluation.
La situation financière du fédéral semble préoccuper énormément le ministre wallon que vous êtes…
Oui parce que l’état des finances publiques est, à mes yeux, encore plus inquiétant que les problèmes communautaires. On ne peut pas à la fois assainir le passé et promettre pour l’avenir, c’est-à-dire un avenir qui se limite aux prochaines élections régionales. Ce que je ne comprends pas, c’est que d’aucuns soient à ce point obnubilés par les élections régionales.
C’est clairement les libéraux que vous visez, là…
Oui parce que l’enjeu des prochaines semaines n’est pas de choisir un Premier ministre, fût-il francophone, voire libéral. Vous savez, quand j’entends Didier Reynders dire “Je comprends qu’on ne transfère pas de nouvelles compétences à la Région wallonne lorsque je vois le comportement de certains ministres”, ça m’incite à croire qu’il vaut mieux, au contraire, transférer des compétences plutôt que de les laisser au fédéral, où c’est le règne du laxisme budgétaire. Je préfère confier un euro à Michel Daerden que deux à Didier Reynders.
Vous avez vraiment un œuf à peler avec Didier Reynders…
Mais non, je l’aime bien. J’ai même infiniment de respect pour lui, mais je voudrais qu’il en ait autant vis-à-vis des autres. On ne peut pas vivre en croyant qu’on est toujours le seul à avoir raison. Son ambition, légitime vu ses qualités, ne peut pas primer sur un projet de pays. Or, on en est là aujourd’hui. Son heure viendra, un peu de patience. En politique, le plus important n’est pas d’avoir une victoire mais de savoir ce qu’on va en faire. Aujourd’hui, je constate que la victoire de M. Reynders ne lui rapporte rien.
Dans ce contexte, le gouvernement intérimaire a-t-il une chance de survivre après le 23 mars?
J’espère que les gens de parole seront bien autour de la table. J’ai appris, d’illustres prédécesseurs, je pense à Gérard Deprez, qu’une parole donnée devrait être une parole respectée en politique. Le problème au fédéral, c’est que le comportement de certains me fait penser qu’on est en train d’ourdir une révolution. De grâce, mettons les ego au placard.
Cette confrontation d’ego ne risque-t-elle pas de mener, in fine, à des élections anticipées ?
Ce serait suicidaire sur le plan des finances publiques. Si nous n’y prenons pas garde, nous allons nous retrouver dans le même scénario que dans les années 80 avec une instabilité totale et une dévaluation monétaire. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, d’aucuns préfèrent jouer leur carte individuelle plutôt que le destin collectif des Belges. Ceux-là prennent une terrible responsabilité.
Faut-il, dans cette mesure, recoupler les élections ?
Tout le monde en parle mais aucun scénario ne s’impose et les calendriers divergent. Ce qui est évident, c’est qu’un pays a besoin de pauses électorales.
Vous faites partie d’Octopus. Quelles compétences pourraient être régionalisées ?
L’énergie et le logement. Je n’ai pas peur de voir une partie de la législation sur les baux venir renforcer les Régions. Je rêve d’une paix sur les loyers. Si demain, on peut nous permettre de régionaliser les comités d’acquisition, c’est plutôt bon. Le fonds de participation, ce serait plus cohérent de le régionaliser. Même chose pour les permis socio-économiques. Ils devraient être régionalisés, on y gagnerait beaucoup en cohérence. A l’inverse, la prévention santé et la délinquance juvénile pourraient être retransférées au fédéral.
Quels sont vos interdits ?
Ils sont connus : la sécurité sociale, notamment les allocations familiales. J’entends que le MR n’en fait pas un problème. Soit, nous allons en faire un. C’est aussi l’impôt des sociétés : on n’y touchera pas. Il ne peut pas, non plus, y avoir de transfert de compétences vers les Régions sans moyens, ce serait inouï, inédit et insensé. Enfin, affaiblir la Communauté française parce que certains n’y sont pas aujourd’hui, ce serait desservir la Belgique, ce serait trahir l’histoire.
Pas question, donc, de toucher à la loi de financement ?
Ce qui est clair, c’est qu’il n’est pas question de la revoir à la baisse. Par contre, on pourrait l’améliorer. Je pense, par exemple, qu’il n’est pas normal qu’on ne finance qu’une partie de la scolarité (à partir de 6 ans) alors qu’on scolarise dès 3 ans à 95 %. L’évidence voudrait que l’on intervienne dès la maternelle. Mais je le répète, celui qui osera toucher à la Communauté française portera une très lourde responsabilité politique.

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