Un menu très chargé pour des ministres intérimaires
Leurs promesses pour le 23 mars
Les quatorze ministres du gouvernement Verhofstadt III s'engagent très concrètement auprès de la rédaction du « Soir ». Un trimestre pour convaincre…
Belga
Trois mois pour gérer l'urgence, l'indispensable. « Des projets clairement définis, des projets limités en termes d'ambition mais dont la nécessité n'est pas moindre », avait précisé le Premier ministre de cette équipe provisoire, le 21 décembre dernier. Entre-temps, deux semaines ont passé, les cabinets se sont (presque) formés, les projets mûrissent déjà. Mais en trois mois, non, pardon, en onze semaines, que peut-on réellement initier ? Comment améliorer le pouvoir d'achat, réduire la facture énergétique, entre l'Epiphanie et la Saint-Victorien ?
C'est ce que nous avons demandé aux ministres de Verhofstadt III. En les invitant à faire preuve de réalisme et de pragmatisme… Tous n'ont manifestement pas la même définition de ces deux vertus. Excès d'enthousiasme de nouveaux venus ? La moitié de l'équipe provisoire n'a jamais exercé de fonction ministérielle au fédéral. Nous fixons d'ores et déjà rendez-vous à ces Messieurs Dames les Intérimaires le 24 mars prochain, pour un premier bulletin. Critère principal de cotation ? Le respect des engagements pris ce lundi dans nos colonnes.
D'ici là, en principe, la scène politique devrait se jouer en plusieurs décors. Au Seize, d'abord, où les conseils des ministres s'annoncent chargés en dossiers… et en tensions, entre le centre-droit et les invités surprises de gauche. A la Chambre, ensuite, qui va devoir mettre les bouchées doubles pour engranger les avancées ou rattraper le retard accumulé pendant les affaires courantes. Au Sénat, lieu probable de résidence du groupe des Sages appelé à plancher, sous la houlette d'un certain Yves Leterme, sur les contours de la réforme de l'Etat. Une grand-messe à laquelle s'invitera au moins une fois Guy Verhofstadt, auteur d'une note sur le fédéralisme renouvelé qui devrait susciter le débat. Et enfin à l'hôtel des finances, où Didier Reynders devrait préparer le programme socio-économique du gouvernement définitif.
Karel De Gucht
Ministre des Affaires étrangères Open VLD
Traité de Lisbonne. Ma priorité, c’est la ratification par la Belgique du Traité de Lisbonne, qui requiert une approbation aux niveaux tant fédéral que régional et communautaire. Les dispositions sont prises pour que le gouvernement puisse rapidement déposer devant la Chambre des Représentants et le Sénat le projet de loi portant assentiment à ce traité.
Maintien de la paix. J’entends veiller à honorer les engagements de la Belgique dans les opérations de maintien de la paix (Afghanistan, Kosovo, Liban, RDC) et régler les modalités de participation belge à l’opération de gestion civile de crise qui sera initiée par l’UE au Kosovo.
Directives. Je souhaite poursuivre l’accélération du processus de transposition des directives européennes en droit belge.
Kosovo. Je désire que tant au Conseil de sécurité qu’au sein de l’Union européenne, la Belgique continue à œuvrer pour que le processus d’indépendance du Kosovo s’effectue de manière la plus consensuelle possible.
Congo. Je veux accorder une attention prioritaire à la stabilisation de la situation à l’est de la RDC, à la fois sur le plan politique et sur le plan humanitaire, avec un accent tout particulier sur la situation des groupes les plus vulnérables (femmes victimes de maltraitances, enfants-soldats…). La Belgique est représentée à la Conférence de paix dans l’Est, qui vient de débuter à Goma, et je devrais effectuer une tournée dans la région dans le courant de ce mois de janvier.
Belgique. Je souhaite enfin mettre sur pied une politique active de communication concernant la Belgique.
Notre avis
Le ministre des Affaires étrangères inscrit son action dans la continuité. Il fait preuve de réalisme et, une nouvelle fois, de bon sens.
Pieter De Crem
Ministre de la Défense CD&V
Un budget mieux affecté. Ces dernières années, le budget de la Défense s’est de plus en plus réduit, au profit des coûts de personnel. Notre participation aux missions internationales n’est actuellement possible que parce qu’elle ne nécessite qu’un financement partiel sur fonds propres. Je veux réduire la part des dépenses de personnel dans le budget global (aujourd’hui, c’est 62 %). C’est ma priorité absolue. C’est le seul moyen pour dégager des budgets pour des opérations et des investissements. Or, ces investissements sont nécessaires, si nous voulons garantir une sécurité maximale de nos hommes.
Elargir la base de recrutement. Nous avons un problème de recrutement. Or, une structure forte ne peut se construire que sur une large base de recrutement ; et, chez nous, cette base est en train de s’effriter. Pour l’élargir, j’ai déjà proposé de recourir au service civil volontaire. En donnant aux jeunes l’opportunité d’acquérir, pendant une période limitée, avec rémunération, une expérience professionnelle au sein de l’Armée. Je rappelle que l’armée est peut-être l’employeur le plus diversifié du pays, qui propose un éventail particulièrement large de métiers. Je souhaite par ailleurs réunir vite le comité de promotion, qui statue sur l’avancement des militaires. Ce sera fait dans les prochaines semaines.
Soigner notre réputation. Nos troupes actives à l’étranger, dans le cadre d’opérations de l’Union européenne ou des Nations Unies, prouvent chaque jour que notre pays peut être fier de son armée. Ces dernières années, on a trop peu mis en valeur la bonne réputation dont jouissent nos hommes. Il faut corriger l’image, tant en Belgique qu’à l’étranger.
Notre avis
Un seul credo : la rupture avec Flahaut, cible favorite des critiques CD&V. Nul doute que Pieter De Crem mettra toute son énergie au service de changements rapides. Mais quand même, trois mois, c’est court…
Josly Piette
Ministre de l’Emploi CDH
Ses priorités
Un plan national pour l’Emploi. Je veux lancer une concertation avec les partenaires sociaux, les entités fédérées et leurs trois ministres régionaux de l’Emploi en vue du lancement d’un Plan national pour l’emploi et d’une stratégie concertée selon des objectifs communs. Il s’agira d’abord d’analyser les problèmes et d’améliorer, le plus efficacement possible, le taux d’emploi. Il faut faire un état des lieux sérieux et constructif, en prenant en compte ce qui a été négocié par les partenaires sociaux au niveau du Conseil national du travail (CNT) et du Conseil central de l’Economie (CCE).
Accroître la formation. Je souhaite investir dans le capital humain de chacun – cela passe par une augmentation des capacités de formation – pour améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi. De plus, après un bilan, il faudra envisager des mesures nouvelles sur base d’accords de coopération afin d’améliorer les politiques d’accompagnement et d’activation des demandeurs d’emploi.
Diminuer les charges sur les bas salaires.
Aujourd’hui, notre pays a un taux de prélèvements élevé sur les bas salaires. En vue de diminuer le coût du travail peu qualifié et par conséquent d’augmenter l’offre d’emploi, je souhaite renforcer fortement les réductions de charges patronales sur les bas salaires. Je souhaite aussi simplifier les plans à l’embauche.
Notre avis
Un peu ambitieux pour quelqu’un qui prône un maximum de concertation mais qui sera parti, c’est promis, dans onze semaines.
Guy Verhofstadt
Premier Ministre Open VLD
Ses priorités
Le Premier avait déjà fait l’exercice à la Chambre le 21 décembre. Sa priorité à lui, c’était d’écrire un livre sur le cosmopolitisme en Europe. Les négociateurs de l’Orange bleue en ont décidé autrement et le voilà de retour au Seize. Intronisé pour trois mois – après, promis, juré, il arrête… – pour rétablir la confiance, ébranlée par la crise. Et puis aussi, « pour réaliser ce qui est indispensable ». Un programme limité donc à des projets clairement définis. Dix, au total, qu’il espère bien voir sinon mis en œuvre, du moins en bonne voie de l’être.
Un budget 2008. Qui résorbe au maximum le déficit prévu.
Augmenter le pouvoir d’achat. En combinant augmentation des allocations les plus basses et réductions d’impôts sur les revenus bas et moyens.
Aides économiques. Aux entreprises, PME et indépendants.
Un plan national pour l’emploi. Qui définisse une stratégie commune pour les différents acteurs.
Continuer à garantir la qualité des soins. Avec une attention particulière pour le cancer et les maladies chroniques.
Gare à l’environnement. Objectif : réduire nos émissions de CO2.
Mobilité renforcée. Notamment en signant un contrat de gestion ambitieux avec la SNCB.
De meilleurs services publics.
A moderniser et à simplifier. Entre les lignes, il esquissait aussi la voie d’un service minimum.
Sécurité renforcée. Parmi les priorités, la construction de nouvelles prisons.
Sans oublier l’Europe. Chère au cœur de Verhofstadt, qui plaide pour une ratification rapide des textes du Traité de Lisbonne.
Notre avis
Il faudra tout le volontarisme enthousiaste du Gantois pour concrétiser ces essais… A moins de prendre le pari qu’il n’est pas là que pour trois mois ?
Didier Reynders
Vice-Premier et Ministre des Finances et des Réformes institutionnelles MR
Ses priorités
Augmenter le pouvoir d’achat des citoyens. Ma priorité. Pour ce faire, il faut baisser l’impôt sur les revenus faibles et moyens. Cela permet par ailleurs de stopper l’engrenage des pièges à l’emploi. Comment, à quelle hauteur, ça, il faut voir les moyens dont on dispose et négocier cela en gouvernement. Dans la réforme fiscale, on avait prévu des marges.
Revoir à la hausse un certain nombre d’allocations sociales. Je souhaite que l’on puisse revaloriser un certain nombre d’allocations sociales. Pour les pensions, il faut supprimer la cotisation de solidarité.
Améliorer le statut des indépendants. Mon objectif est d’obtenir un rattrapage complet du statut des indépendants par rapport à celui des salariés. Pour cela, je souhaite que l’on pose une série de gestes concrets.
Notre avis
Des priorités très claires, autour desquelles les ailes centre-droit de Verhofstadt III devraient se retrouver. Reste à convaincre les socialistes – le cartel PS-CDH dirait Reynders. Le numéro deux du gouvernement devra surtout s’attacher à rédiger le programme socio-économique du futur Leterme Ier. Du pain sur la planche !
Charles Michel
Ministre de la Coopération au développement MR
Ses priorités
Finaliser les programmes indicatifs de coopération. J’entends finaliser les programmes qui viennent à échéance et qui n’ont pu être renouvelés en raison de la période d’affaires courantes. Cela concerne huit pays partenaires tels que l’Ouganda, la Palestine, le Bénin ou encore la Bolivie.
Les 0,7 % du PIB en 2010. Nous devrons négocier le budget 2008 de la coopération dans la perspective de tendre en 2008 vers l’objectif ambitieux qui vise à atteindre les 0,7 % du PIB à l’horizon 2010. C’est d’autant plus essentiel que nous devrons finaliser dans le premier trimestre 2008 les décisions de financement des programmes pluriannuels (3 ou 5 ans) des 58 ONG qui ont été agréées par le précédent gouvernement.
Améliorer la qualité de la coopération. Je souhaite mettre l’accent sur la qualité et l’efficacité de l’aide afin d’améliorer le rapport qualité/prix de nos contributions à l’étranger. Le rapport d’évaluation de l’aide bilatérale et les rencontres en cours avec les acteurs de la coopération serviront de base à la mise en œuvre de propositions concrètes de modernisation. Priorité à l’Afrique centrale. La priorité réservée à l’Afrique centrale est confirmée. A cet égard, la problématique des enfants-soldats dans les conflits armés constituera un thème central pour lequel la Belgique doit jouer un rôle moteur.
Notre avis
Les décisions de financement sont une urgence absolue pour les ONG. Quant aux 0,7 % du PIB en 2010, ils sont loin d’être acquis, eu égard aux choix posés par Verhofstadt II
Yves Leterme
Vice-Premier et Ministre du Budget, de la Mobilité et des Réformes institutionnelles CD&V
Ses priorités
Un budget pour 2008. La priorité des priorités, l’urgence des urgences, c’est la confection du budget 2008. Comme convenu entre partenaires du gouvernement intérimaire, nous devons nous réengager sur la voie du pacte de stabilité. Je vais proposer des mesures permettant de résorber le déficit constaté pour l’exercice 2007. Et je souhaite faire de même pour le budget 2008, afin de présenter une épure à l’équilibre. J’exposerai les paramètres de départ au conseil des ministres ce vendredi 11 janvier puis je proposerai un schéma de travail. Je veux absolument avoir bouclé le budget 2008 avant le 23 mars.
Augmenter le pouvoir d’achat. Dans ce contexte, je veux aussi, dès cette semaine, démarrer les discussions pour réaliser l’autre grand objectif de ce gouvernement intérimaire : soutenir le pouvoir d’achat. Il est encore trop tôt pour faire des propositions chiffrées. Mais j’ai toujours pour objectif de pouvoir augmenter les allocations et pensions les plus basses, au sein des marges budgétaires étroites qui sont les nôtres. Je veux mettre en œuvre cette mesure, en équilibre avec la perspective d’une réduction d’impôts sur les revenus bas et moyens.
Une solution pour le dossier des nuisances sonores. Comme ministre de la Mobilité, je voudrais créer, à bref délai, un climat de confiance et de dialogue qui permette de définir une solution durable dans le dossier des nuisances sonores autour de Zaventem.
Préparer la réforme de l’Etat. Comme annoncé dans la déclaration gouvernementale, je consacrerai également beaucoup de temps, comme ministre en charge des Réformes institutionnelles, à la préparation d’une réforme équilibrée d’un Etat fédéral renouvelé.
Notre avis
De tous les ministres provisoires, c’est lui qui a l’ordre de mission le plus ardu. Non, on ne pense pas au budget ni même aux nuisances sonores, même s’il s’agira là de deux tests pour ses talents (?) de négociateur… Mais que dire, alors, de la réforme de l’Etat, qu’il faudra aborder bien avant le 23 mars…
Inge Vervotte
Ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques CD&V
Ses priorités
Un nouveau contrat de gestion pour la SNCB. Je me suis immédiatement plongée dans la préparation des nouveaux contrats de gestion qui doivent être conclus avec les trois entités du groupe SNCB (le holding de tête, Infrabel, chargée des infrastructures, et la SNCB, responsable des opérations). Ils sont venus à échéance fin 2007 mais ont été prolongés, dans l’attente du nouveau gouvernement. Mes préoccupations principales, pour ces nouveaux contrats, sont la qualité du service offert aux voyageurs en général, la ponctualité des trains en particulier. Et je veillerai aussi à l’efficacité du fonctionnement au sein du groupe SNCB.
Préparer la libéralisation du marché des services postaux. Le 1er janvier 2011, le marché des services postaux sera libéralisé. Ce sera donc la fin du monopole de la Poste. Les Etats membres, dont la Belgique, doivent donc veiller à organiser le service universel, pour garantir à tous les citoyens la livraison de leur courrier. Notre pays doit, pour cela, prendre des mesures complémentaires. Pour permettre à la Poste ainsi qu’à d’éventuels concurrents de se préparer à ce nouvel environnement, je souhaite au plus vite prendre les mesures qui s’imposent. Je ferai donc, dans les prochains mois, des propositions, en concertation avec le gouvernement et les entreprises concernées.
A l’écoute des usagers. Je veux aussi poursuivre la professionnalisation et la convivialité des services publics. C’est pourquoi je veux mettre l’accent sur la gestion des plaintes dans tous les services publics.
Notre avis
Beaucoup d’ambition sur des dossiers sensibles que l’ex-syndicaliste devrait toutefois rapidement maîtriser.